
Mobilier: un rebond conditionné par la conjoncture
Comme beaucoup de familles de produits, le mobilier de bureau a subi un coup violent en 2020. Avec des entreprises désertées par les collaborateurs, investissements et projets d’aménagement ont été interrompus net. Si certains ont vu une opportunité dans le télétravail, imaginant des particuliers s’équipant chez eux comme au bureau, les ventes B to C se sont surtout portées sur les assises, et n’ont pas compensé les pertes des circuits B to B. La dernière étude filière de GfK le montre : en 2020, le mobilier chutait de 6,6 %, alors qu’il a progressé de 8,6 % en 2021 (représentant 7,1 % du marché de la papeterie). L’après-Covid est en effet très dynamique sur ce secteur, avec une reprise parallèle au retour des salariés sur leurs lieux de travail. Jean-Louis Coustenoble, directeur général de JPG, l’a constaté : « 2021 a été un très bon exercice avec deux périodes distinctes. En début d’année, la France était encore sous couvre-feu ; nous avions alors une clientèle de pros qui achetait pour le home office, avec un boom sur les sièges de bureau. Puis à partir de juin, les projets ont repris, avec le rattrapage de ce qui avait été mis en stand-by d’une part, et des entreprises qui voulaient retravailler leurs espaces pour faire revenir leurs collaborateurs au bureau d’autre part. » Cette évolution positive s’est poursuivie en 2022, même si la conjoncture reste une épée de Damoclès pour la fin d’année et 2023.
Chaise et bureau : les best-sellers
Malgré des transformations récentes (espaces de collaboration, flex office, etc.), le marché du mobilier de bureau est centré autour de deux basiques que sont la table et l’assise. Avec la crise sanitaire, les fauteuils de bureau ont même connu un véritable succès. Après le premier confinement, beaucoup de salariés se sont rendu compte des avantages d’un siège adapté aux longues heures de travail par rapport à une chaise de cuisine, c’est pourquoi ils se sont équipés en masse, par eux-mêmes ou par l’intermédiaire de leurs employeurs. « La veille du deuxième confinement, nous avons vu un nombre impressionnant de télétravailleurs venir en magasin pour acheter des fauteuils de bureau, ça a été un raz-de- marée ! », se souvient Célia Zwiller, dirigeante d’Hyperburo Zwiller (Auvergne-Rhône-Alpes). Aujourd’hui encore, l’assise est un best-seller indéniable, notamment grâce à un changement culturel autour du bien-être sur le poste de travail. Pour Sébastien Melot, chef de marché chez Lyreco, « le fauteuil de bureau est de très loin le numéro 1 car nous observons une macrotendance autour de l’ergonomie - les collaborateurs souhaitent être installés confortablement. La progression est constante depuis 2020, et dès 2021, nous avons retrouvé les chiffres d’avant-Covid ». Ces fondamentaux, qui représentent une part conséquente des ventes, laissent ensuite la place à un catalogue plus varié. « Les produits stars sont le bureau et le siège, c’est structurel. Après, l’offre est plus essaimée avec une grande diversité de produits, du casier individuel aux tables hautes, en passant par les canapés », indique Arnaud Barral, directeur général du fabricant français EOL.
L’offre s’élargit
Avec les réflexions autour des nouveaux modes de travail, la palette de produits que les acheteurs s’attendent à voir en catalogue s’étend. « Auparavant, le marché du mobilier se divisait en environ un tiers pour les sièges, un tiers pour les bureaux et un tiers pour le classement. Sur cette dernière catégorie, la demande se déplace, nous vendons de moins en moins d’armoires, mais plus de rangements individuels comme des casiers et des caissons », commente Stéphane Burel, président-directeur général du fournisseur MT International. Collaboration, home office, flex office, etc. Autant de nouvelles configurations du travail qui impactent le secteur du mobilier de bureau. « Il y aura toujours des postes traditionnels mais la diversification des lieux de travail nous mène vers du mobilier adaptatif, qui apporte de la souplesse au bureau », confirme Arnaud Barral (EOL). Même constat chez les distributeurs spécialisés. « La journée d’un collaborateur n’est plus aussi linéaire, c’est un puzzle avec des moments au bureau et d’autres en mode collaboration, ce qui nécessite de redéfinir les espaces, et implique un nouveau mix produit au niveau du mobilier », remarque Sébastien Melot pour Lyreco. « La crise Covid a été un accélérateur pour trois évolutions majeures du secteur : l’ergonomie, le flex office et la convivialité. L’offre suit ce mouvement avec plus de références pour les réunions, formelles et informelles. Elles doivent également être adaptées à la visioconférence », précise Jean-Louis Coustenoble chez JPG. Un facteur essentiel est effectivement la rencontre entre le mobilier et les outils numériques, comme l’observe Hubert Val, responsable des ventes chez Bruneau Aménagement : « Nous notons un vrai changement dans les projets que nous menons. Les notions de bien-être et de détente laissent peu à peu la place au bureau partagé, qui devient un lieu de passage. Au-delà de l’aspect ludique, nos clients veulent désormais de la connectique pour se brancher à n’importe quel poste le plus facilement possible. »

Le siège de bureau reste le best-seller du marché, comme le modèle Orca-700 de MT International.
Fiabilité et proximité séduisent
Si l’offre se transforme, il en est de même pour les critères de choix. Dans une logique sociétale où particuliers et professionnels sont toujours plus sensibles à certaines questions comme la préservation de l’environnement, et plus récemment l’inflation et la consommation d’énergie, certains sujets touchent davantage les acheteurs ; et le mobilier de bureau n’échappe pas au phénomène. « La réalité économique et écologique n’est pas qu’une vue de l’esprit. Le produire en France et l’écoconception (environnementale et sociale) sont des facteurs importants, tant que la différence de prix reste tolérable », remarque Arnaud Barral pour EOL. C’est un fait, la volonté d’acheter plus vert est là, mais elle peine parfois à se concrétiser : « L’écoresponsabilité des produits est une tendance marquée, notamment dans le secteur public après la loi Agec, mais cela ne ruisselle pas encore sur le privé. Il y a toutefois plus d’attentes sur le réemploi et l’élimination des matériaux », explique Sébastien Melot (Lyreco). Un autre sujet est le niveau de service, le mobilier n’étant pas un produit comme les autres puisqu’il nécessite souvent du montage. Pour Jérôme Padioleau, directeur de marque Gautier Office, « les critères de choix sont la qualité, la disponibilité, la fiabilité du service - cette notion prend de plus en plus d’ampleur - et la proximité. Les acheteurs ont compris que travailler avec une industrie française ou européenne a de nombreux avantages en termes de livraison, de retour, mais aussi d’approche environnementale dans la conception des produits ». La communication entre fournisseur, revendeur et acheteur est bien sûr plus fluide lorsque le lieu de fabrication est proche du lieu d’utilisation.
L’incertitude pour 2023
Le marché du mobilier de bureau, qui était déjà très en forme avant la crise sanitaire, affiche sa bonne santé depuis la reprise de l’activité économique en 2021. Néanmoins, le secteur est soumis aux problématiques industrielles internationales qui ont marqué 2022 et ne manqueront pas de faire l’actualité en 2023, inflation et crise énergétique en tête. La situation préoccupe d’ailleurs tous les acteurs. Stéphane Burel (MT International) le résume: « Après des années 2021 et 2022 très performantes, nous sommes inquiets de voir les ventes tomber, bien que les budgets se maintiennent actuellement. » Du côté des revendeurs et aménageurs, le même sentiment d’incertitude plane. « La conjoncture n’a pas ralenti la bonne dynamique du marché jusqu’à cet été. Depuis, nous ressentons plus d’inquiétude, surtout au sujet de l’énergie. Les projets se poursuivent pour l’instant mais les acheteurs se montrent plus prudents », note Jean-Louis Coustenoble pour JPG. Selon Célia Zwiller (Hyperburo), « l’envolée des matières premières donne un nouveau coup de massue au marché alors qu’il reprenait bien avec de nombreux chantiers finalisés. Aujourd’hui, nous commençons à voir certains projets reportés ». S’ils continuent de vouloir investir, les clients font donc preuve de retenue. « Dans les projets d’aménagement des entreprises, le facteur économique devient plus prégnant, chaque achat doit être justifié », confirme Hubert Val chez Bruneau Aménagement.
Même si la filière du mobilier de bureau est globalement confiante pour le long terme grâce à un contexte RH qui pousse les entreprises à repenser leurs espaces de travail, elle reste dans l’expectative des effets d’un environnement économique incertain dans un avenir proche. Une nouvelle fois, cette famille de produits devra montrer sa souplesse pour s’adapter à une demande en mutation, tout en gérant les aléas conjoncturels.
Article initialement paru dans Le Papetier de France n° 855 Octobre-Novembre 2022.
Les chiffres de l’Ameublement français
Les chiffres le confirment : 2021 a été une bonne année pour le mobilier de bureau. Pour 2022, le début d’année est bon, mais qu’en sera-t-il de la fin d’exercice ?
Parmi d’autres catégories de produits, l’Ameublement français (Union nationale des industries de l’ameublement français) étudie le secteur du mobilier de bureau dans l’Hexagone. Son analyse annuelle quantifie les facturations sur le marché français du mobilier destiné aux professionnels avec une ventilation par produits, une analyse par type d’opérateurs et par clientèle finale. En 2021, l’organisme estime ainsi les ventes à 1,2 milliard d’euros hors taxe, en progression de 9,2 % par rapport à l’année sinistrée qu’a été 2020. « Les fabricants français avaient subi de plein fouet le recul du marché, plus que les autres opérateurs. Les explications étaient diverses avec évidemment l’arrêt des commandes nouvelles à partir d’avril 2020 et des usines qui étaient non seulement restées fermées plus longtemps au printemps que les autres pays européens, mais également un marché français qui s’était caractérisé par un télétravail renforcé », explique le communiqué de l’association. En plus du sursaut économique, une des raisons du succès du mobilier de bureau en 2021 est le conseil proposé par les acteurs de la filière : « Les services, comme nous l’anticipions, ont fortement repris en 2021, les entreprises clientes ayant besoin de conseils pour repenser leur organisation de travail et par conséquent leurs espaces de travail ». Le secteur n’a toutefois pas encore rattrapé son niveau d’avant-Covid puisqu’il reste en repli de 5,5 % par rapport à 2019. Selon l’Ameublement français, le début d’année 2022 a été en forte croissance, mais l’organisme prévoit un ralentissement de l’activité pour la fin de l’exercice et en 2023, sans que l’industrie ne soit « stoppée nette comme en 2019 ».
Continuez votre lecture en créant votre compte et profitez de 5 articles gratuits
Pour lire tous les articles en illimité, abonnez-vous