
En crise depuis de nombreuses années, notamment à cause de la dématérialisation des échanges et de la hausse du prix de la correspondance, le marché du courrier opère désormais sa mue. Si les acteurs du secteur poursuivent leurs efforts pour réduire l’empreinte carbone de leur métier traditionnel, ils ouvrent une nouvelle voie avec le lancement de gammes de petit emballage. Objectif : combler le vide entre l’offre en enveloppes et pochettes, soit des tailles XS, et celle en colis et cartons aux formats XL. « Pendant l’épisode Covid, nous avons lancé une réflexion sur l’érosion et l’avenir de l’enveloppe, qui était entre -6 et -8 % chaque année. Nous avons réuni une trentaine de salariés, accompagnés d’intervenants extérieurs, pour voir comment rebondir. Or nous avons constaté que sur le web, 65 % des transactions concernent des objets de moins de 450 grammes. Autrement dit, les e-commerçants cherchent de petits contenants. Nous avons ainsi réfléchi à des solutions écoresponsables adaptées à ces formats d’expédition », témoigne Nicolas Baudart, président-directeur général de La Couronne. L’enjeu est de répondre aux besoins créés par les nouveaux modes de consommation, du commerce en ligne qui a explosé avec la crise sanitaire (en B to B et en B to C), aux envois entre particuliers qui se multiplient avec le succès de la seconde main. « Nous observons deux mouvements. Sous l’effet de la digitalisation des documents et courriers, les enveloppes et pochettes commerciales sont structurellement baissières. En parallèle, nous voyons une forte progression de l’e-commerce, et donc de la logistique et de l’emballage pour l’expédition », confirme Ulrick Parfum, directeur achats et offre produits du groupe Raja. Pour Aude Walter, responsable marketing de GPV France, « les données de l’Arcep1 sont révélatrices. En France en 2021, les envois de correspondance sont quasi-flat, tandis que les volumes de colis augmentent de 14,9 %. Ces chiffres recoupent ceux de la Fevad2, qui relèvent une progression de l’e-commerce de 15,1 % en 2021. »
Innover pour avancer
Afin de répondre à cette nouvelle demande, les industriels du secteur doivent varier les formats. Du textile aux objets de différentes formes, d’un coffret à une boîte à chaussure, des lots sous blister aux produits en vrac… L’emballage est avant tout là pour protéger tout au long de la chaîne logistique. « Le premier critère de choix est le niveau de protection. Il ne faut pas oublier que le rôle principal de l’emballage est de garantir l’intégrité de l’objet lors de son expédition », confie Ulrick Parfum (Raja). Pour remplir cette mission, La Couronne a développé « un concept de bulle papier ultra-protectrice, une alternative à la bulle plastique. Nous souhaitions fabriquer ce produit de A à Z, c’est pourquoi nous avons conçu une machine en interne : elle peut produire des pochettes bulle 100 % papier, avec ou sans soufflet, d’une à trois couches, avec double bande adhésive (pour les retours en e-commerce), imprimable quatre couleurs avec encres végétales. Nous nous engageons dans une industrialisation dans le light packaging autour du zéro plastique », explique Nicolas Baudart. Au-delà de leur fonction première, l’envoi, enveloppes et petits emballages doivent en effet s’inscrire dans un engagement écologique : « Le deuxième facteur d’achat est l’écoresponsabilité, le type de matériaux utilisés, la capacité de recyclage ou de réemploi, etc. », note Ulrick Parfum. De nouveau, les fabricants ont fait évoluer leur outil industriel pour coller à ces exigences sociétales. « Chez GPV, un axe prioritaire est la sortie du plastique. Grâce au groupe Mayer, nous pouvons opérer cette diversification vers l’emballage tout en travaillant sur l’impact environnemental de nos produits. Cela se traduit par des innovations comme les pochettes aller-retour en kraft à double bande, un film palette biosourcé, ou l’utilisation de scotch papier au lieu du plastique », décrit Aude Walter.

Avec leur double-bande adhésive, les pochettes aller-retour de GPV permettent de réutiliser l’emballage après une première expédition.
Des investissements importants
Construire cette nouvelle proposition nécessite des investissements conséquents pour chercher des matières plus propres, créer des process de fabrication plus économes en énergie, c’est-à-dire adapter la production. « Certes c’est un challenge mais selon nous, l’avenir est dans le papier, une filière déjà installée dans un cercle vertueux. Notre vision est de remplacer le plastique par le papier, dans l’emballage et le courrier. D’ailleurs, dans le domaine du paquetage d’enveloppes et pochettes, nous lancerons une nouvelle ligne de production zéro plastique début 2023, un gros investissement pour accéder à l’innovation sur cette branche », remarque Aude Walter. Pour concevoir sa bulle protectrice en papier, La Couronne a également fait un effort financier considérable : « Nous sommes sur un investissement d’1,5 million d’euros (avec le soutien de la région Nouvelle Aquitaine) pour un outil de production de 38 mètres de long et 5 mètres de large, avec des bobines de laize 1200, et jusqu’à trois bobines en simultané. C’est un virage : en maintenant nos actifs sur notre métier historique, nous misons beaucoup sur cette nouvelle activité du petit emballage écoresponsable », confie Nicolas Baudart. Ces initiatives sont reconnues par les acteurs de la distribution. Pour Brice Kapelusz, directeur général de Raja France, « il est très intéressant de voir les fabricants revoir leur proposition commerciale en réinventant leur outil industriel de manière à se diriger vers une nouvelle offre ».

Chez La Couronne, la bulle plastique n’est plus, place à la bulle papier, déclinée dans une large gamme de formats.
Trouver l’équilibre
Après plusieurs années de résilience et de réflexion, les entreprises de la famille du courrier ont finalement décidé de conserver leur métier traditionnel, mais aussi de créer un nouveau pilier pour leur activité. « L’emballage est le levier de croissance du groupe mais nous maintenons notre présence sur la correspondance. Aujourd’hui, nous appuyons simplement notre activité sur deux jambes », analyse Aude Walter. Un cap que l’ensemble de la filière a pris pour renouveler son marché et aller chercher de nouvelles clientèles « Nous continuons à envelopper du courrier, mais désormais, nous enveloppons également des objets. Cette diversification nous ouvre les portes de secteurs que nous n’adressions pas auparavant, comme le luxe ou la high-tech. Notre ambition est de poursuivre nos investissements pour que cette branche représente 50 % de notre activité d’ici trois ou quatre ans », projette Nicolas Baudart. La correspondance est ainsi un très bon exemple d’une branche qui relève le défi de la diversification sans renier son héritage. « Chez Raja, nous n’arrêtons jamais d’innover pour répondre à une demande qui évolue constamment. Nous encourageons nos fournisseurs à faire de même, c’est un travail d’équipe entre fabricant et distributeur. Nous avons confiance en ces catégories, il faut rester mobilisés sur le courrier et le petit emballage pour affirmer nos fondamentaux tout en se transformant », conclut Brice Kapelusz. ?
1. Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, lire notre article page ci-dessous.
2. Fédération du e-commerce et de la vente à distance
L’Arcep fait le bilan 2021 du courrier et du colis
En octobre 2022, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) a publié son Observatoire du courrier et du colis pour l’année 2021.
En 2021, 9,7 milliards d’objets ont transité via les services postaux, vers la France ou l’étranger, générant 16 milliards d’euros de revenus hors taxes. Pour la première fois depuis 10 ans, le nombre d’items expédiés croît (+1,3 %), une augmentation portée par les colis. « Structurellement en baisse depuis plus de douze ans, le volume de courrier, qui représente moins des trois quarts des objets adressés en France ou exportés, se contracte légèrement en 2021, après la forte baisse enregistrée en 2020 (-0,7 % en 2021 contre -19,4 % en 2020). À l’inverse, les flux de colis distribués en France et exportés (1,7 milliard d’objets) continuent de progresser à un rythme soutenu (+14,9 % en un an) », détaille l’Arcep. Dans la même ligne, l’activité postale affiche +7,8 % en valeur, un chiffre poussé par les résultats des colis.
Côté courrier
L’Arcep constate que les flux d’envois de correspondance sont en repli depuis quatorze années consécutives. Les performances fluctuent en fonction des types de courrier : les plis prioritaires et urgents, courriers égrenés et envois en nombre reculent, tandis que les volumes des plis non urgents et plis remis contre signature croissent. Le revenu de la correspondance en France atteint +2,8 % en 2021, « les augmentations tarifaires qu’ont connues pratiquement tous les types de courrier du service universel compensant la baisse des volumes », explique l’organisme.
Côté colis
À l’inverse du courrier, le secteur du colis poursuit sur une excellente dynamique, s’élevant à 1,7 milliard de pièces expédiées en 2021, soit +14,9 % par rapport à 2020, qui était déjà une bonne année avec +12,4 %. « Le recours au e-commerce continue de s’intensifier et l’envoi de colis entre entreprises connaît une reprise conséquente », observe l’Arcep. Le revenu associé atteint ainsi 9,6 milliards d’euros, soit +11,4 %. Il représente 59 % du chiffre d’affaires global de la distribution postale pour 17,5 % des flux.
Dernier volet de ce baromètre, la presse distribuée aux abonnés est de nouveau dans le rouge avec -4,9 % en 2021. Un score toutefois meilleur que les années passées, assurant un revenu stable sur cet exercice.
Dossier initialement paru dans Le Papetier de France n°856 - Décembre 2022
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