Depuis plusieurs années, l’hygiène et l’entretien constituent un rayon montant chez les spécialistes du bureau. Avec la crise sanitaire, cette famille a consolidé sa place dans ces circuits. L’offre évolue toutefois pour couvrir l’ensemble des besoins des professionnels.

Piste de diversification pour les distributeurs spécialistes du bureau depuis une dizaine d’années, le rayon hygiène et entretien est devenu incontournable pendant la crise sanitaire. Avec une offre dédiée à la lutte contre le virus Covid-19, il a été un protagoniste dans le chiffre d’affaires de ces circuits professionnels, qui souffraient alors de la désertion des bureaux par les salariés confinés. Mais aujourd’hui, alors que la situation se normalise, quel potentiel pour cette famille ?

Recul maîtrisé pour les produits Covid

Depuis 2020, le marché de l’hygiène professionnelle est animé par les références dites Covid, c’est-à-dire les masques, gels hydroalcooliques, solutions de désinfection et de distanciation, etc. La demande a cependant évolué, en parallèle de la situation sanitaire. « En 2021, quelques vagues nous ont permis de vendre beaucoup de produits tels que le gel hydroalcoolique. En 2022, avec le relâchement des mesures de protection sanitaire, les quantités ont diminué », remarque Emmanuelle Hubert, category manager chez Lyreco France. D’autres facteurs entrent en compte dans la baisse de consommation. « Avec le télétravail, les bureaux sont moins fréquentés, tout comme les collectivités, nécessitant moins de gels, sprays, lingettes, etc. Un deuxième paramètre est la hausse des coûts des matières premières qui impacte directement les prix de vente, et par conséquent les achats », constate Mélissa Baron, directrice commerciale de Proven-Orapi (fabricant de la marque Wyritol, entre autres). Même si les ventes sont en repli cette année, les scores des produits Covid restent bons, comme l’affirme Samy Ben Jazia, directeur marketing d’Essity France pour Tork : « Il y a un reflux sur ces références, mais les ventes restent supérieures à avant la crise sanitaire ». La situation semble différer selon le type d’articles, avec « des effets de gammes. Les produits d’entretien, le savon et le gel hydroalcoolique reculent, tandis que les produits de nettoyage et de désinfection écologiques et les produits d’antan (avec des formulations courtes) gagnent des parts de marché », observe Elsa Hainaut, chef de produit spécialiste de la catégorie hygiène chez Manutan. La page Covid a effectivement ouvert d’autres chapitres pour cette famille. « Il est évident que les produits Covid régressent, mais les besoins en désinfection se maintiennent, et de nouveaux usages naissent avec les politiques RSE des entreprises », confirme Grégoire Dorsemaine, directeur category management du groupe Manutan.

Étoffer ses gammes traditionnelles

Face à la tendance baissière des gammes Covid, fournisseurs et distributeurs n’ont pas attendu pour retravailler leur offre. Pour Samy Ben Jazia, il faut prendre conscience que « l’hygiène et l’entretien sur le lieu de travail forment un sujet très vaste. Chez Tork, nous abordons évidemment les sanitaires (papier toilette, essuie-mains, savons), mais il faut sortir de cet environnement en pensant au nettoyage des bureaux, des espaces de convivialité, et aller jusqu’à accompagner les gestionnaires de sites pour maintenir le niveau d’hygiène quelles que soient les organisations mises en place ». Pendant la crise sanitaire, de nouvelles habitudes ont été prises dans les structures. D’abord, même si les mesures de protection sont peu à peu abandonnées, elles ont laissé des traces dans la perception de la propreté en entreprise (lire notre article page 20). Le travail hybride et le flex office ont également modifié l’approche des salariés vis-à-vis de leur bureau, brouillant la frontière entre univers personnels et professionnels. C’est pour répondre à ces nouvelles attentes que les propositions des fournituristes s’adaptent : « Cette année, nous n’avons pas élargi le référencement sur les produits Covid. En revanche, nous avons étoffé d’autres segments qui commencent à bien performer, comme le matériel de nettoyage ou l’essuyage industriel. Cela fait partie de notre stratégie par rapport à l’intégration d’Intersafe à Lyreco, et à notre volonté d’orienter les clients vers des produits ayant un moindre impact sur l’environnement », confie Emmanuelle Hubert pour Lyreco. Chez Manutan aussi, les acheteurs professionnels montrent de l’appétence pour certaines catégories de produits. « Dans le matériel de ménage, la couleur a beaucoup de succès pour éviter les contaminations croisées : à chaque pièce son coloris », explique Elsa Hainaut. « Nous enregistrons également une belle croissance sur les machines de nettoyage compactes (aspirateurs, lavage haute pression ou vapeur) car les petites entreprises sont de plus en plus autonomes en la matière », poursuit-­elle. Une autre opportunité se présente avec la gestion et la collecte des déchets dans les sociétés. « Il existe déjà des obligations de tri dans de nombreuses professions, notamment dans l’industrie, et à partir de 2024, une partie des biodéchets devront aussi être triés et collectés, c’est pourquoi nous avons développé l’offre en poubelles et containers (plus de 6 000 références) », décrit Grégoire Dorsemaine.

Les chiffres

20 %

Selon une étude menée par la FHER (Fédération de l’hygiène et de l’entretien responsable) auprès de ses adhérents en 2020, les produits écoresponsables constituent 20 % du marché de l’hygiène professionnelle (+35 % entre 2018 et 2020).

1,1 milliard d’€

Cette même analyse de la FHER estimait le marché de l’hygiène professionnelle à 1,1 milliard d’euros en 2020. Les données 2022 ne sont pas encore disponibles.

-58 %

Le cabinet d’études IRI constate une baisse des ventes de gel hydroalcoolique de 58 % entre 2020 et 2021 (marché grand public). Entre janvier 2021 et octobre 2022, cette famille recule encore de 39,7 % en valeur et 46,1 % en volume.

Des produits plus verts

À l’image de la société, la prise de conscience écolo a atteint le monde de l’hygiène et de l’entretien ! Parmi les critères de choix des acheteurs professionnels, l’aspect environnemental devient prépondérant, d’autant plus dans les appels d’offres des secteurs publics et des entreprises engagées dans des politiques RSE. « Nous constatons une forte demande sur les produits à naturalité, des références écologiques, écolabellisées ou non, qui utilisent des formulations plus respectueuses des écosystèmes, ou avec des emballages réduits et/ou recyclables », remarque Mélissa Baron pour Proven-Orapi. Matériaux et ingrédients plus naturels, procédés de fabrication optimisés, produits écoconçus… Les produits d’hygiène et d’entretien se mettent au vert. « Sur les produits d’entretien, la tendance est aux compositions moins dangereuses pour l’homme, mais surtout moins nocives pour l’environnement, comme des solutions à base d’acide lactique qui sont moins agressives. Cette demande en produits écoresponsables n’est pas seulement le fait des grands comptes, elle vient aussi d’ETI et de PME », relève Elsa Hainaut chez Manutan.

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Dans la gamme Jex professionnel, Proven-Orapi propose les Ultra Doses, des formules ultra concentrées à diluer.Une poche permet d'obtenir cinq litres de produits. Une solution à la fois écologique et économique.

Chez les industriels, l’heure est ainsi à la transformation des gammes : « Nos réseaux de distribution office répondent à la demande croissante en matière de développement durable, un critère devenu primordial. Chez Kimberly-Clark Professionnal, nous intégrons cette notion dans l’ensemble de la chaîne de valeur de nos produits. Concrètement, par exemple, nous avons opté pour une utilisation de 100 % de fibres recyclées pour la production de nos essuie-mains, et nos embouts de mandrin d’essuie-mains roulés sont biosourcés (à partir d’amidon et de fibres) », indique Estelle Bertrand, responsable comptes clés nationaux. Au-delà du produit, les services doivent également se diriger vers des cycles plus vertueux. « La circularité est une gageure désormais. Nous avons d’ailleurs créé le service Tork Paper­Circle, une organisation tripartite entre le distributeur, les entreprises et notre groupe pour collecter les essuie-mains usagés, et les recycler afin d’en fabriquer de nouveaux », raconte Samy Ben Jazia (Tork-Essity). Les distributeurs, eux, recherchent ces innovations qui sont de nouvelles occasions d’enrichir leur offre. « Cette année, nous avons passé beaucoup de temps à sourcer pour apporter de nouvelles idées sur le marché de l’hygiène. Nous sondons nos partenaires et les nouveaux entrants sur de nouvelles solutions ayant un impact moindre sur l’environnement, comme les écorecharges », commente Emmanuelle Hubert (Lyreco). Légère ombre au tableau : ces produits plus écologiques sont souvent plus chers, or dans une période tendue économiquement, les tarifs ont leur importance pour les acheteurs. Pour Estelle Bertrand (Kimberly-Clark), « le prix est un élément de considération dans le contexte inflationniste actuel mais il ne faut pas oublier qu’acheter « pas cher » peut avoir des conséquences sur la qualité de la prestation et le bien-être des utilisateurs. Il faut communiquer, mettre en avant les économies possibles en achetant intelligemment ». Dans les conditions de marché actuelles, les fournituristes ont en effet un rôle de prescripteur afin d’orienter les clients vers les bonnes références.

Acheter moins mais mieux ?

Dans le même état d’esprit, les produits plus économes ont le vent en poupe, économes en matière, économes en emballage, économes en coût… mais sans négliger la qualité ! « Notre leitmotiv est d’aller vers plus d’hygiène avec des solutions intelligentes pour mieux consommer. Plus de propreté avec moins de produit, plus de compression pour avoir moins de matière. C’est une volonté écologique et économique », note Samy Ben Jazia (Tork). En travaillant sur les principes actifs, les fabricants ont réussi à réduire la quantité de produit à utiliser. Ils ont également repensé les packagings pour limiter le vide d’air et optimiser la logistique liée au rangement et au transport. « Un de nos piliers est l’efficacité. Nous proposons des formules concentrées qui permettent de gagner en surface de stockage d’une part, et d’avoir une action équivalente voire supérieure avec moins de produit d’autre part », souligne Mélissa Baron (Proven-Orapi). Certains types de produits que l’on voyait plutôt dans les circuits de distribution grand public, notamment les formats compacts, arrivent ainsi dans les catalogues professionnels. Pour Elsa Hainaut chez Manutan, « les acheteurs demandent ces packagings plus économes (une tendance présente en B to C mais peu en B to B jusqu’à maintenant) tels que les flacons réutilisables avec pastilles ou sachets de dilution ». Chez Lyreco, Emmanuelle Hubert confirme qu’avec « les différentes vagues d’inflation, les volumes baissent depuis septembre. Nous voyons la demande évoluer vers des références qui consomment moins comme l’ultra concentré. Nous étudions aussi des solutions solides ».

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Avec Tork PaperCircle, Essity gère l’ensemble du cycle de vie de ses essuie-mains : après leur collecte, ils sont recyclés pour en fabriquer de nouveaux.

Un levier de croissance

Après la bulle des produits Covid, le rayon hygiène et entretien reprend sa bonne dynamique pré-crise sanitaire. Pour les spécialistes du bureau, il représente un argument supplémentaire pour établir leur statut de one-stop-shop pour les entreprises. « Les clients souhaitent un seul canal de distribution pour tous leurs besoins. Il paraît normal, aujourd’hui, d’acheter des essuie-mains, des chiffons à usage unique, une mousse hydroalcoolique ou des lingettes désinfectantes au même endroit que ses stylos ou ses ramettes de papier », soutient Estelle Bertrand (Kimberly-Clark). Axe d’une diversification inéluctable, l’hygiène est un vecteur de chiffre d’affaires régulier grâce aux usages des professionnels. « C’est un marché de consommables et de marques, ce qui est toujours un avantage », remarque Grégoire Dorsemaine (Manutan). « La catégorie est stratégique chez les revendeurs bureau, elle offre un fort potentiel de développement en apportant de l’incrémental avec des produits à valeur ajoutée », argue Mélissa Baron (Proven-Orapi). Face à un contexte économique compliqué, cette famille reste donc un levier pour conquérir des parts de marché. Un secteur prometteur pour des revendeurs en quête d’outils qui leur permettent de fidéliser une clientèle professionnelle de plus en plus exigeante en termes de rapport qualité prix et d’impact environnemental.

L’hygiène actrice du bien-être sur le lieu de travail

En juillet 2021, l’entreprise de propreté Onet dévoilait son étude « La place de la propreté dans le quotidien des Français », réalisée avec Ipsos. L’analyse aborde notamment la perception de l’hygiène sur le lieu de travail.

Pour 9 Français sur 10, la propreté est une notion fondamentale dans leur quotidien. Ils sont également 88 % à penser que l’hygiène est essentielle sur le lieu de travail. 95 % des salariés interrogés par Ipsos se sentent même plus motivés dans un espace propre et bien rangé. 92 % s’estiment aussi plus performants dans un lieu de travail propre, +7 points depuis 2018.

Selon cette étude Onet, près d’un collaborateur sur deux considère que les questions d’hygiène peuvent provoquer des conflits ; et neuf sur dix disent que le degré de propreté des bureaux agit sur leur niveau de stress. 84 % sont ainsi favorables à des sanctions pour les incivilités en matière d’hygiène au travail. Néanmoins la propreté est relativement subjective : pour les sondés, les facteurs importants sont l’absence de déchets, de tâches, de poussière, un espace désinfecté, aéré et sans odeur, un lieu rangé et lumineux. Logiquement, les zones qui attirent le plus l’attention sont donc les toilettes et sanitaires, le poste de travail (dont le matériel informatique), les points de contact et les espaces partagés (salles de réunion, cuisines, etc.). Depuis la crise sanitaire, six personnes sur 10 sont d’ailleurs inquiètes de fréquenter ces derniers. Pour une grande majorité de salariés (neuf sur dix), la bonne hygiène du lieu de travail est source de confiance en son entreprise.

Dossier initialement paru dans La Papetier de France n°856 - Décembre 2022

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